Bienvenue à Un Moment Avec, l’histoire de misfits qui cassent les codes de leurs secteurs.
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Place aux Misfits
Cette semaine, on fête la septième édition de Un Moment Avec (youhou !)
Alors je me suis dit que je pouvais bien te faire une confidence. Quand Un Moment Avec a démarré, je ne savais pas grand chose de la direction que ça allait prendre. Je voulais simplement découvrir des parcours inspirants et les partager.
C’est comme ça que sont arrivés Joséphine Baker, Clarisse Crémer, Jamy Gourmaud, Danielle Mérian, Guillaume Néry et Alexandre Astier.
Mais cette semaine, j’ai eu une révélation (ou plutôt, j’ai réalisé quelque chose en prenant du reculs sur tout ça). Quel est le point commun de tous ces parcours? Qu’est-ce qui les lie?
La réponse est simple : ce sont tous des misfits. Des personnes singulières et atypiques. Des individus qui ont bouleversé les codes de leur secteur. Et c’est notamment sur ce dernier point que je vais me concentrer sur les prochaines newsletters.
Ca m’a fait pensé à cette pub d’Apple d’il y a très longtemps.
La mission d’Un Moment Avec se précise donc. C’est bien le parcours d’un (ou d’une) misfit qui bouscule les codes de son secteur que je te raconterai. Place aux surprises, à l’action et au courage.
Au Programme
Une femme, ça ne devient pas associé
La Méthode Lagarde
L’importance du partage
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Et maintenant, place à la découverte !
Une femme, ça ne devient pas associé
C’est un matin ensoleillé de 1979 à Strasbourg. Christine sort tout juste du campus de l’Ecole Nationale d’Administration (l’ENA). Le Graal quand on rêve de travailler pour la fonction publique en France. Mais elle vient d’échouer pour la deuxième fois. A la première tentative, elle se savait peu préparée. Mais cette fois-ci, tout était en place pour réussir. A un détail près : elle a dépassé les délais pour déposer son dossier.
Alors Christine se demande quoi faire. Elle a déjà une license de l’institut d’études politiques d’Aix-en Provence, mais ça ne lui suffit pas. Elle se lance alors dans des études juridiques, décroche un diplôme en droit social, puis passe le barreau de Paris. Elle devient avocate.
Ses résultats remarquables lui ouvrent toutes les portes. Les entretiens s’enchaînent. Il y en a un, en particulier, qu’elle retiendra. Ce jour-là, elle fait face à l’associé-gérant du plus grand cabinet d’avocats de Paris. Il lui fait une offre d’embauche. Heureuse, Christine pose une ultime question : « est-ce qu’un jour il sera possible de devenir associée dans votre cabinet? ». « Non », lui répond son interviewer. « Vous êtes une femme, on ne devient pas associé quand on est une femme ». Alors elle se lève, et part.
Une semaine plus tard, elle est recrutée par l’associée-gérante de Baker McKenzie, le second plus gros cabinet. La question ne se pose pas, elle a la réponse sous les yeux. Elle peut alors démarrer son ascension en toute confiance. Pourtant, quelques années auparavant, un drame personnel aurait pu tout faire échouer.
L’épreuve de la mort
Quand Christine naît en 1957 à Paris, la famille est sur le point de déménager au Havre. Son enfance normande est faite de bonheur et de liberté.

Jusqu’à ce jour.
Christine a 16 ans, et son père décède subitement. Sa mère se retrouve alors à élever 4 enfants. Christine l’aide comme elle peut. Elle s’occupe volontiers des tâches de la maison. Elle fait des petits boulots pour gagner un peu d’argent. On la retrouve ainsi à vendre des jeans ou à écailler des poissons sur les marchés du Havre.
Mais l’ambiance est lourde, la relation avec sa mère conflictuelle. Son baccalauréat obtenu, elle décide alors de partir aux Etats-Unis grâce à une bourse. Pendant un an, elle étudie à Bethesda et fait un stage au sein du Capitole américain. Surtout, elle s’imprègne de la culture américaine et devient bilingue.
Aux Etats-Unis, on vous apprécie sur la base de vos mérites. Votre background ne compte pas. (…) je trouve l’approche positive des Américains plus encourageante que le négativisme de l’intelligentsia française, où il est de bon ton d’exprimer des critiques, et non de faire des compliments sur quelqu’un. En Amérique, on vous encourage à vous dépasser (Christine Lagarde).
Ce stage lui donne les armes pour passer en mode bulldozer, et devenir la première femme en tout.
Exploser les plafonds de verre
Chez Baker McKenzie, elle se sent comme un poisson dans l’eau. Non seulement le cabinet est dirigé par une femme, mais la culture est propice à ses ambitions. Contrairement aux pratiques de l’époque, les américains n’y sont pas les têtes de pont quand les européens sont en soute. Les hommes ne sont pas non plus au pouvoir quand les jeunes collaboratrices prennent des notes. Les valeurs de respect, de tolérance et de diversité internationale sont mises en avant.
L'Italien de Rome, le Français de Paris, le Belge de Bruxelles ou le Chinois de Hong Kong ont tous autant le même pouvoir de décision que l'associé de New-York ou Chicago (Christine Lagarde)
Dans ce contexte, Christine connaît une progression inédite. Entrée en 1981 au cabinet, elle devient associée du bureau de Paris en 87, puis associée-gérante en 91. En 95, elle déménage à Chicago pour devenir membre du comité exécutif mondiale, qu’elle préside à partir de 1999. Sous sa présidence, son cabinet d’avocat augmente son chiffre d’affaires de 50% à plus de 1,2 milliards de dollars. Elle est la première femme à atteindre ce niveau au sein du cabinet.
A l’époque, sa nomination fait déjà les gros titres des journaux télé.
Sa position lui donne aussi un accès à des réseaux et des cercles de réflexion internationaux, où les gouvernements et le secteur privé se rencontrent. Elle se fait remarquer par ses résultats et son approche collaborative. Jusqu’à un appel téléphonique en 2005. Au bout de fil, Dominique de Villepin, alors premier ministre français. Il lui propose un poste de ministre. Il la convainc : « on a besoin de vous, vous êtes la femme providentielle de l'international... » lui dit-il. Alors elle devient Ministre du Commerce Extérieur.

En 2007, elle devient Ministre de l’Economie. C’est alors la première femme à accéder à cette responsabilité dans un pays du G8. Là encore, elle met tout le monde d’accord par ses résultats. A son actif, la défiscalisation des heures supplémentaires, une loi de modernisation de l’économie, et surtout, la gestion des effets de la crise des subprimes en Europe. Mais en politique, les résultats ne font pas tout. Et la menace n’est jamais très loin.
C’est une affaire de plus de 20 ans qui menace de la faire tomber.
A un cheveu du précipice politique
Cette affaire, c’est l’affaire Adidas - Crédit Lyonnais. Depuis des décennies, l’homme d’affaire Bernard Tapie passe de tribunaux en tribunaux. Mais aucune décision finale n’est prise. Christine se saisit alors du dossier. Elle demande la création d’un tribunal arbitral privé qui va statuer sur l’affaire. Approche très américaine, elle est permise par le droit français. Et personne n’y trouve trop à redire, jusqu’au moment du verdict.
403 millions d’euros sont adjugés à Bernard Tapie en 2008. C’est le scandale ! Le monde politique et judiciaire se mettent en mouvement. Les attaques viennent de toutes les directions. On parle de complicité, de détournement d’argent public, d’anomalies et d’irrégularités.
Et c’est peu dire que cette affaire tombe mal ! En 2011, Dominique Strauss-Kahn explose et la présidence du fond monétaire international (FMI) se libère. Christine est candidate. Mais les administrateurs vont-ils laisser une femme politique sous enquête pour détournement d’argent public administrer l’un des plus gros fonds au monde? Rien n’est moins sûr. Mais Christine ne lâche rien. Elle se lance dans une tournée internationale pour convaincre les pays membres du fond de l’élire à sa présidence. Et le 28 juin 2011, elle en devient la première femme présidente. Dans un contexte très difficile, où les pays menacent de faire défaut sur leur dette - la Grèce en tête.

Dans le même temps, les batailles judiciaires en France font rage. Les audiences et les actions s’enchaînent. Les commentaires politiques aussi. En 2014, elle est mise en examen pour « négligence ». Deux ans plus tard, elle est déclarée coupable de négligence. Mais dans un arrêté singulier, le juge la dispense de peine et d’inscription au casier judiciaire - prenant en compte la « personnalité » et la « réputation internationale » de Christine. Le couperet est décidément passé près.
Cette affaire passée, il est temps de se concentrer sur un rôle international assez inattendu.
L’icône Lagarde
Christine est réélue en 2016 à la tête du FMI, puis prend la direction de la banque centrale européenne en 2019. Elle doit alors gérer la politique monétaire d’une Europe qui fait face au COVID et qui, pour la grande majorité, s’endette à des niveaux inédits.
En parallèle, Christine devient petit à petit une icône. De la femme de pouvoir. De la femme confiante. De la femme assumée. Ses tenues noires de l’époque sont remplacées par des ensembles colorés. On la découvre davantage dans des écoles ou des forums internationaux à parler de la place des femmes. Son parcours, dans un monde largement dominé par les hommes, inspire. Elle n’hésite pas non plus à s’ouvrir sur ses relations amoureuses, et comment elles ont affecté son parcours.
Christine Lagarde, c’est une femme dont le destin s’est construit dans les épreuves. Professionnellement, elle semble avoir toujours la même méthode : (1) accepter le poste, (2) se concentrer sur les résultats et uniquement les résultats, (3) assoir sa confiance et sa légitimité grâce aux résultats, et le faire savoir, (4) prendre le poste suivant. Elle a aussi, et surtout, été particulièrement attentive à son environnement. Quand le patriarcat était dominant, elle parvenait à travers le seul cabinet qui défiait ça. Quand son premier mari ne supportait pas son succès, elle s’en séparait. Christine Lagarde, c’est donc une femme courageuse qui ne recule pas devant un choix difficile. Et avance.
La Méthode Lagarde
Christine Lagarde est intéressante à plus d’un titre. Par son parcours (et son style vestimentaire), on s’attendrait à un parcours de haut fonctionnaire standard - c’est-à-dire ennuyeux pour les spectateurs que nous sommes. Mais elle, est différente.
Le style Lagarde
Sur YouTube aujourd’hui, on peut trouver de nombreuses vidéos fashion qui commentent le style de Christine Lagarde. Coloré, puissant, affirmé. Elle ne se cache pas. Pourtant, quand on regarde ses tenues de l’époque de Baker McKenzie, on n’observe que du sombre. Et ça m’a fait penser à une célèbre citation de Harvey dans la série TV Suits.
Like it or not, people react to the way we dress.
La force de Christine consiste alors à comprendre que pendant ses premières années, elle ne peut se permettre aucune couleur. L’époque est au masculin. Pour exister, elle ne doit pas dévier l’attention de ses résultats. Son style vestimentaire est un risque. Mais aujourd’hui, si elle veut développer cette image de prestance et d’ambition, elle doit choisir de la couleur, des styles originaux. Sortir du lot en somme.
Le génie de Lagarde, c’est de faire attention au moindre détail - jusqu’à sa tenue.
L’ouverture aux autres
N’ayant jamais fréquenté de hauts fonctionnaires, je ne sais pas dire quel est leur état d’esprit. Mais souvent, ils donnent l’impression d’aimer parler, s’exprimer, partager leurs idées et leurs opinions. Ils sont très bavards. Et à ce jeu, Christine ne devrait pas faire exception. Sauf que si.
La meilleure preuve que j’ai trouvée, c’est les entretiens qu’elle mène elle-même. Il ne s’agit pas pour elle de parler, mais d’écouter et d’échanger.
Cette ouverture a quelque chose de moderne. Elle écoute. Elle est ouverte. Je n’ai jamais vu ça ailleurs.
Promets peu, délivre plus
Le dernier fait remarquable tient de sa méthode pour faire consensus, une méthode dont on a déjà parlé. On pourrait la résumer en (1) prends le poste, (2) obtient des résultats, (3) alimente ta légitimité, fais le savoir, (4) passe au poste suivant. Cette méthode paraît simple, mais c’est loin d’être le cas.
Car on ne s’en rend peut-être pas toujours compte, mais la plupart des professionnels ne sont pas orientés résultats. Je me souviens, comme jeune diplômé, qu’on nous parlait réseautage, politique, placement corporate. Mais en 5 ans d’études supérieurs, pas une fois je n’ai entendu « concentre-toi sur le résultat, le reste viendra ». Précisons que quand je dis « viendra », ça n’a rien d’automatique. Mais c’est tellement plus simple quand sa compétence ne fait pas débat.
L’importance du partage
Quand on fait ses recherches sur Christine, on trouve naturellement beaucoup de contenu économique, qui nous intéresse moins ici. En revanche, les petits conseils et expériences de vie, ça on prend.
Alors voici une sélection bien comme il faut :
Don't let the bastards get you (la base de tout)
What gives her confidence (et ça surprend !)
Showing confidence (la différence entre fille et garçon)
The Challenges Of Traversing Different Careers (et où trouver les ponts)
Gender Equality (l’importance de la représentation)
How to get what you want without being aggressive (un exemple concret de leadership)
What was your career plan (et le fait qu’elle n’en avait pas).
Pour les plus courageux, la meilleure interview que j’ai vue de Christine s’est faite sur la télévision espagnole, et est à retrouver ici.
Et je finirai par cette citation qu’elle utilise souvent :
Inveniam viam aut faciam (je trouverai le chemin ou en inventerai un).
Voilà, c’est tout pour cette semaine 💛
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Article très intéressant avec une perspective différente de ce que nous pouvons trouver sur wikipédia.