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La newsletter qui te raconte l’histoire de personnalités enthousiasmantes qu’on aimerait tous rencontrer, tous les lundis.

LA NEWS QUI FAIT PLAISIR
Cette semaine, j’ai eu le plaisir d’échanger avec quelques lecteurs dont tu fais peut-être partie.
De là, une nouveauté ! Tu vas désormais pouvoir proposer des noms de personnalités que tu as envie de voir ici.
Je m’occuperai d’enquêter, d’en faire le portrait, et de mettre en avant ce qu’on peut retenir de leurs parcours.
👉 A toi de jouer, c’est par ici.
PS : Si tu as envie de garder un peu de mystère, c’est aussi possible.
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Au Programme
28 secondes d’humanité - Le Portrait.
Les trois secrets de Danielle
La méthode de la forteresse
Mes pépites de la semaine
28 secondes d’humanité
Ce matin-là, il fait froid dans Paris. Pourtant, des centaines de parisiens gagnent les rues. Ils marchent, des bouquets de fleurs à la main. Ils se dirigent vers le Bataclan, vers les terrasses attaquées.
Trois jours plus tôt, un commando terroriste a semé l’effroi dans la capitale.
Nous sommes en novembre 2015.
Parmi les parisiens, une dame de 77 ans s’avance vers les barrières plantées devant le Bataclan. Elle dépose le bouquet de fleurs qu’elle a apporté. Se recueille quelques instants. Puis se retourne.
Un micro se tend, et un journaliste lui demande : “Pourquoi avez-vous souhaité apporter des fleurs?”.
Ces 28 secondes d’un message de fraternité font le tour du monde.
Elle est invitée sur tous les médias, et des cagnottes sont lancées pour ses associations. Je me souviens vivement du moment où je l’ai découverte, en direct ce matin-là.
D’où vient cette volonté, cette détermination, cette ouverture?
L’Enfance est un destin
La vie de Danielle démarre en 1938.
D’abord marquée par la guerre, elle l’est aussi par l’ambiance familiale et par l’époque.
Je suis née dans cette tradition où les garçons avaient tous les droits et où les filles comptaient pour rien (…). Une seule chose comptait, que je sois convenable et bien élevée.
Au frère, on parle étude et carrière. A Danielle, on parle bonnes manières et de mariage. De temps à autre, le père précise sa pensée : “les femmes sont des idiotes”.
Danielle vit cette situation comme une injustice et la révolte monte. Un évènement va finir d’achever sa transformation.
Un soir, Danielle est à la maison. Son père rentre d’un reportage de guerre, une enveloppe à la main. Avant de la cacher, il glisse à sa femme: “les enfants ne doivent jamais voir ça”.
Naturellement, Danielle décide d’aller fouiller le bureau de son père. Elle trouve l’enveloppe, l’ouvre, et en sort des photos. Puis elle se fige.
C’était les preuves rapportées des camps de concentration. Un choc pour Danielle.
Je suis certainement devenue avocate pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas, pour donner de l’air à cette petite fille au souffle coupé (…).
De la guerre naît l’avocate
Dans ce contexte, Danielle rêve d’émancipation et de combats humanistes. Et pour aller plus loin, elle va avoir besoin de renfort à ses côtés.
Mais par où commencer? Et avec qui?
Le destin va l’aider une première fois.
En 1957, elle rencontre Adrien. Il vient de Bretagne et a déménagé à Paris pour les études. Leur amour est immédiat, évident. Très vite, ils se fiancent et projettent de se marier. La guerre d’Algérie va retarder leur projet.
Pendant 4 ans, Danielle apprend les horreurs de la guerre à travers les lettres d’Adrien. A mots couverts (pour éviter la censure), il lui raconte tout. Enlèvements, tortures, massacres.
La détermination de Danielle ne cesse de grandir. Elle sera avocate.
Et le couple tient bon. Après la fin de la guerre, ils se marient et deviennent parents. Danielle devient avocate. Et surtout, les deux s’unissent dans leur volonté d’un monde meilleur.
Il faut désormais passer à l’action.

Une première action internationale : le combat contre la torture
Danielle et Adrien vont alors faire une rencontre inattendue.
Depuis des semaines, deux femmes sillonnent la France à la rencontre de tous les curés. Elles ont appris les tortures pratiquées en Indochine et ont décidé d’agir.
Pour ce faire, elle sollicite des fonds auprès des curés et autres religieux.
Arrivées à la paroisse où Danielle se rend, le curé présente le couple aux deux femmes. C’est un tournant dans sa vie.
Quelques semaines plus tard, une association est constituée : ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture). Des dizaines catholiques se liguent pour combattre la torture, et les injustices en général.
Les combats que l’association va mener vont amener Danielle au quatre coins du monde. En Russie, pour un philosophe “anti-soviétique” emprisonné au goulag. En Argentine, où les femmes de Buenos Aires se révoltent contre la dictature Videla. Au Liban, pour protéger une étudiante accusée des crimes de son frère.
A travers ses actions, elle rencontre beaucoup de monde. Parmi eux, un médecin qui va l’amener vers le plus grand défi de sa vie.
Son nouveau combat : l’excision des femmes
En 2013, Danielle rencontre le Dr. Pierre Dutertre.
Ce médecin a passé 20 ans à mettre au point une technique chirurgicale pour “reconstruire” les femmes qui ont subi une excision. Par cette méthode, elles peuvent retrouver une vie quasi-normale.
C’est à ce moment que Danielle découvre avec horreur de quoi il s’agit. Elle ne peut pas se taire. La lutte contre l’excision devient son nouveau combat.
Un jour, un groupe de parole de femmes africaines opérées par le Dr. Dutertre contacte Danielle. Elles ont besoin d’une présidente pour leur association SOS Africaines en Danger.
Ce sera Danielle.
Son engagement prend corps.
Alors elle met toute son énergie dans la bataille. Elle passe dans tous les medias. Elle fait toutes les conférences et les remises de prix. Elle explique l’enjeu de la lutte contre l’excision, comme ici :
Pour la première fois, elle conjugue les deux combats contre la torture et pour le féminisme.
Pour la première fois, elle est choisie par un groupe de femmes qui lui fait confiance.
Après plus de 50 ans de militantisme et d’action, Danielle Mérian est déterminée comme au premier jour. Par sa force, son courage et sa envie, elle fait bouger des montagnes. Elle change des états d’esprit. Elle fait avancer la société.
C’est ça, Danielle Mérian.
Les trois secrets de Danielle
Voici les 3 points que je retiens de son histoire :
L’imposture du “c’était mieux avant”
Un concept qu’elle démonte complètement. Et ce qu’elle dit est simple et évident :
De ma naissance, en 1938, à aujourd’hui, j’aurai vu Paris occupé, l’Algérie déchirée, j’aurai vécu la guerre froide, la chute du bloc soviétique, la libération de Mandela, la fin des dictatures en Amérique latine et en Europe, la résurgence des guerres de religion.
Nommer les choses permet de mieux les penser.
Quand elle parle d’un sujet précis, elle parle clairement. Elle utilise des mots qui disent la réalité avec précision. Surtout dans les cas de torture. Elle rend sensible ce qu’on aurait tendance à ignorer.
C’est de cette manière qu’elle arrive à interpeler de manière efficace.
Le collectif est une source de force et de détermination
Sa plus grande force, c’est d’être capable de s’entourer des bonnes personnes au bon moment. Rencontrer son mari lui a permis de débuter une aventure humanitaire à deux. Rejoindre ACAT a élargi son cercle de connaissance et d’action. Présider SOS Africaines en Danger l’a mise au centre des attentes et des ambitions.
Ce que Danielle a réussi à faire, en substance, c’est de très bien maîtriser son entourage. Mais comment a-t-elle fait?
Elle a utilisé ce que j’appelle la méthode de la forteresse.
Je te raconte.
La méthode de la forteresse
La première fois que j’ai compris ça, on était dans le bus pour aller visiter le château de Guédelon avec ma classe. A l’époque, j’étais grassouillet et le groupe des “cools” ne me lâchaient pas la grappe. Ca devenait lourd.
J’avais donc un choix à faire : tenter de ravaler mon égo et accepter les moqueries de temps en temps, ou me trouver un autre groupe.
Une fois arrivé au château, j’ai trouvé un peu d’inspiration. Le plan du château, les tours en construction, les moyens de défense. Ca commençait à faire sens.
Et si je montais mon propre château?
Je balancerais tous les moqueurs vers l’extérieur des remparts. Je cultiverais les jardins intérieurs avec de nouvelles personnes. Je ne garderais que mon meilleur ami du moment, Rémi, dans la Grande Tour.
C’est ce que j’ai fait.
Avec le temps, mon histoire de forteresse a mûri. J’en suis alors arrivé aux trois zones à connaître :
1/ Tu es à l’extérieur des murs?
Ca veut dire qu’on ne se connaît pas encore, ou que tu n’es tout simplement pas dans ma forteresse. Si on se connaît, ça veut dire qu’on n’est pas spécialement proche. Et on n’a pas d’intérêt réciproque.
C’est une logique de “je ne t’aime pas, tu ne m’aimes pas, ne perdons pas de temps”.
2/ Tu es dans les jardins intérieurs?
C’est la zone du “je t’aime bien, tu m’aimes bien”.
On s’apprécie, on aime bien flâner dans les jardins ensemble. On n’y passerait pas notre vie mais c’est bien agréable. Ca peut être des copains, des connaissances sympas, des collègues qu’on apprécie.
La plupart des gens sont dans ce cas.
3/ Tu es dans la Grande Tour?
C’est la zone magique. Ca veut dire que toi et moi avons levé le pont-levis. Pour que ça arrive, il faut souvent deux conditions :
Il faut qu’il y ait un “fit”.
On sent une connexion, on sent une facilité dans l’échange. En anglais, c’est beaucoup plus clair et ça donne “I feel you, you feel me”. C’est quasiment intuitif.
Et il faut un plaisir à connecter - qu’il soit sentimental, culturel, intellectuel. Peu importe.
Une fois dans la Grande Tour, c’est rare que tu en sortes - parce qu’on est connectés. En général, c’est 4-5 personnes maximum.
Ce sujet de groupe, c’est une quête importante pour n’importe quel être humain. A tous les âges de la vie. On a besoin de s’identifier à une communauté. Et comme l’écrivait Jim Rohn, on est “la moyenne des 5 personnes qu’on fréquente le plus”.
Autant bien choisir.
Mes pépites de la semaine
Pour éclairer ta semaine, voilà quelques explorations que j’ai aimées et qui pourraient te plaire.
En TOP !
La série Netflix “Lidia fait sa loi”.
L’histoire de la première avocate diplômée d'Italie, qui tente de faire fléchir la cour et lutte pour exercer ce métier. Elles auraient pu être copines avec Danielle.
En BONUS
Le livre “Nous n’avons pas fini de nous aimer”, où Danielle raconte son parcours et ses combats. Engagé et émouvant, comme elle.
L’interview de Clique, avec Mouloud Achour (probablement le meilleur interviewer de France) et Omar Si (qu’on ne présente plus).
La Conférence “Tu sers Viril mon Kid”, qui se passe de mots.
Le livre “Indignez-Vous” de Stéphane Hessel qui est un appel à l’action.
C’est tout pour moi, à la semaine prochaine 😊
J'apprécie autant le choix du sujet, la découverte de ce destin, que l'écriture de Gaëtan.