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L’accident fatal - le parcours de Guillaume Néry.
On change de rôle.
L’exploration continue.
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L’Accident Fatal
On est le 10 septembre 2015, à Chypre.
Guillaume Néry est déjà à l’eau. Il se prépare pour sa cinquième tentative de record du monde d’apnée. Deux jours avant, il a tenté 126 mètres de profondeur. Sans problème. Aujourd’hui, c’est 129 mètres.
Le moment du départ arrive. Il se concentre, se recentre sur lui-même. Puis se retourne face à l’eau, et plonge à la verticale.
Le début de la descente est toujours le plus dur. Il faut échapper à la poussée d’Archimède, et atteindre les 30 mètres. Là, le fond océanique nous attire. Il n’y a plus aucun effort à faire, il suffit de glisser. Mais cette fois, la descente paraît interminable. Guillaume perd un peu de concentration et s’inquiète.
Pourtant, il arrive au repère qui semble indiquer les 129 mètres de profondeur. Il repart. Là encore, l’effort est important pour échapper à l’attraction du fond. Il ne lui reste plus beaucoup d’oxygène. Il est déjà en plongée depuis 2 minutes 30. Il sent que quelque choses ne va pas.
Arrivé aux 30 mètres, il croise le regard des plongeurs-sauveteurs qui encadrent sa tentative de record. Il ne lui reste plus que quelques mètres à partir. Mais c’est trop. A 9 mètres de la surface, il s’évanouit.
Ramené en urgence à la surface par les sauveteurs, de la mousse blanche sort de sa bouche. Un oedème s’est formé dans ses poumons. Sa vie est en danger. On lui prodigue les premiers soins, il est ramené sur le bateau.
Après 3 minutes de syncope, il ouvre enfin les yeux. Il a à peine le temps de regarder sa montre de plongée pour apercevoir la profondeur qui s’affiche : 139 mètres, 10 de plus que souhaité. Il est amené sans délai à l’hôpital, et mettra plusieurs jours à récupérer.
Il découvre alors que les organisateurs ont fait une erreur. Ils ont réglé la profondeur à 139 mètres, au lieu des 129 mètres prévus. La différence est énorme. Pour Guillaume, c’est un tournant. Sa quête des records s’achève ce jour-là.
C’est la conclusion de vingt ans de performance hors du commun.
Retour sur son histoire.
La plongée par hasard
Guillaume naît en 1982 à Nice.
Il a une enfance tout à fait normale, entre un père technicien en médecine nucléaire et une mère professeur de maths. Son enfance est heureuse. Mais déjà à cette époque, il se sent différent des autres. En décalage. Il a envie d’aventures, d’ailleurs.
Et c’est un pur hasard qui va lui donner l’opportunité qu’il attend.
Alors qu’il rentre d’un cours de tennis avec son copain Eric, les deux se défient. Qui des deux restera le plus longtemps à retenir sa respiration? Guillaume a beau faire ce qu’il peut, c’est Eric qui gagne. A chaque fois. Et de loin. Blessé dans son égo, Guillaume décide de s’enfermer chez lui à s’entraîner.
Mon orgueil est marqué d’une balafre qui change à jamais le cours de mon existence. Je rentre chez moi, je m’allonge sur mon lit (…). Une obsession : je ne bougerai plus de ce lit tant que l’affront ne sera pas lavé. Les jours passent, les apnées s’enchaînent, les records tombent.
Tous les jours, il s’entraîne. Il le fait tellement souvent, et avec une telle intensité, qu’il devient bon. Son terrain d’entraînement change. De son lit, il passe à la piscine et se met à pratiquer l’apnée statique. Puis l’apnée en mer. C’est là qu’il fait la connaissance d’un groupe d’apnéistes qui marquera l’histoire de ce sport.

Un record au risque de sa vie
A 15 ans, il intègre le cercle des apnéistes de Nice. Avec lui, des fondateurs de la discipline, de futurs champions et des mentors. C’est l’époque des pionniers. Il va en particulier se lier d’amitié avec la légende du no limit, Loïc Leferme, qui devient son guide sportif et spirituel.
Le no limit est une discipline de l’apnée qui consiste à être lesté à un poids pour descendre le plus loin possible (environ 230 mètres aujourd’hui). Guillaume, lui, pratique le “poids constant”, avec une monopalme et la seule force de son corps pour descendre (environ 130m).
Tous ensemble, ils vont révolutionner la discipline. D’autant que le contexte est favorable. Quelques années auparavant, Luc Besson a sorti “Le Grand Bleu” - mettant en avant Jacques Mayol et la pratique de l’apnée. Alors en 1996, le premier championnat du monde d’apnée a lieu à Nice.
Pendant ce temps, Guillaume se focalise sur ses objectifs. Il est en quête de records. Et ils ne vont pas tarder à tomber.
En 2002, il bat pour la première fois un record du monde (87m) et devient le plus jeune recordman de l’histoire. Puis il réitère l’exploit en 2004 (96m), 2006 (109m), et 2008 (113m). Sa progression est fulgurante, et il entre dans le club des 100. Ce club d’une poignée de plongeurs à avoir atteint les 100 mètres de profondeur. Il devient aussi champion du monde par équipe (2008) et en individuel (2011).
Mais les records ne lui suffisent pas.
Il a envie de faire découvrir sa discipline au plus grand nombre, de mettre en lumière des camarades qui l’inspirent. Avec sa compagne, elle aussi apnéiste, ils vont réaliser les plus beaux clips sous-marins vus à ce jour.
Avec ces mini-films, leur notoriété décolle. Les propositions de projets affluent. Le couple enchaîne entraînements, sollicitations et voyages. Jusqu’à cet accident de plongée de 2015 qui change tout.
Une lente transformation
Guillaume ne veut plus plonger en compétition.
Il ne sait que trop bien les dangers de son sport. En 2007, son ami et mentor Loïc Leferme décède lors d’un entraînement. En 2013, c’est un concurrent qui perd la vie lors d’un championnat. Et en 2015, la légende Natalia Molchanova disparaît en mer. Et puis Guillaume vient d’être papa. Sa décision d’arrêter est déjà prise depuis quelques temps, cet accident n’est que l’aboutissement de sa réflexion.
S’ouvrent alors de nouvelles perspectives.
Les films sous-marins se multiplient : HAVEN en 2016, AMA en 2018, One Breath Around the World en 2019, et HOLD YOUR BREATH en 2020.
Un jour, il reçoit un coup de téléphone d’un producteur anglais. Il lui explique qu’il veut faire un clip sous-marin mais qu’il n’y connaît rien. Guillaume et sa compagne ont justement un scenario qui colle. Le projet est lancé, il sera une nouvelle phase dans la vie du couple - car c’est pour Beyoncé qu’il est produit.
Alors les contrats s’enchaînent, les propositions de projets aussi.
Mais Guillaume a envie d’autre chose. Il a fait de l’apnée un sport et un art, pour lui. Mais c’est aussi devenu une philosophie. Celle de la nature, de l’écologie et de la lenteur. Ce décalage qu’il sent avec la société dans laquelle il vit, il se rend compte qu’il n’est pas le seul.
Alors il a envie de partager, bien au-delà de l’apnée.
Les nouvelles conquêtes
Alors Guillaume multiplie les contributions. Il écrit un nouveau livre, Nature Aquatique. Il mulitplie les prises de paroles dans les médias, dans les entreprises, dans les grands rendez-vous internationaux ou lors de nombreux TED Talks. Partout où il peut, il partage ses observations de la nature et de notre rapport à elle.
Mais quand en 2020 le COVID percute nos vies, il se retrouve à l’arrêt. Comme de nombreux français, il tourne en rond chez lui. Il a envie de sortir et d’explorer. De retrouver la mer. Mais il est choqué des images qu’on voit du monde extérieur.
En l’absence de l’homme, la nature reprend ses droits. Des dauphins dans les eaux de Venise. Des paons dans les rues de Barcelone. Des coyotes à San Francisco. Des pingouins à Cape Town. Partout, la nature est de retour.
Ce constat le convainc définitivement de faire de l’écologie et du respect de la nature son combat pour les années qui viennent.
Voilà. Guillaume Néry, c’est une vie d’exploration. D’abord celle de ses limites et de ses capacités athlétiques. Puis celle de la nature et des fonds marins. Mais c’est aussi une quête du respect de la nature et du partage de ce que lui a pu observer, en explorateur privilégié. Il est aujourd’hui, plus que jamais, au devant de la scène pour de nouveaux défis.
C’est ça, Guillaume Néry.
Allez, on change les rôles !
Quand je découvre un parcours et une personnalité singulière, j’aime être en mode exploration - à tout lire, tout écouter et tout regarder.
Mais surtout, j’ai toujours envie d’en discuter avec plein de monde. Pour comparer les points de vue, les avis, les perceptions. Alors cette semaine, je vais poser beaucoup de questions. C’est le moment de me dire ce que tu penses.
Allez, je te partage mes trois questionnements.
Peut-on atteindre ses objectifs seul.e?
Tout ce que j’ai appris de durable s’est fait à travers des rencontres. A travers des mentors, des pairs, ou des adversaires. Volontairement ou non. Mais j’ai aussi vu des gens utiliser les autres comme de simples marche-pieds. Alors, qu’en est-il vraiment?
L’histoire de Guillaume nous donne un exemple intéressant, d’autant qu’il semble naviguer dans deux univers bien différents.
D’un côté son club de Nice, au sein duquel il a rencontré ses principaux mentors - dont Loïc Leferme qui lui a quasiment tout appris. Mais il a aussi fréquenté de jeunes recrues, qu’il a pu accompagner à son tour. Inspiration et transmission ont été de puissants leviers personnels.
De l’autre côté, les compétitions d’apnée sont de purs moments de combat. Mais ce combat se fait contre les éléments, contre ses peurs, contre ses propres limites. Quand un adversaire fait mieux que soi, on n’a pas envie de le tacler. Mais de le battre, à la régulière - c’est-à-dire par le dépassement de ses propres limites. L’adversaire devient alors un puissant levier de motivation.
Inspiration, compétition et transmission, voilà trois leviers apportés par les autres qui peuvent nous propulser très loin.
Est-ce que les limites existent?
L’enfance de Guillaume est marqué par l’exploit d’un homme : Jacques Mayol. En 1976, ce dernier atteint les 100 mètres de profondeur, donnant tort aux physiologistes qui annonçaient ce seuil inatteignable.
Et la même histoire se répète ailleurs. Usain Bolt fait 9,58s sur 100m en 2009. Eliud Kipchoge court le marathon en moins de 2h00 en 2019. Roger Bannister parcourt un mile en moins de 4 minutes en 1954. Bob Beamon saute 8,90m 1968.
A chaque fois, des scientifiques ont “calculé” un maximum physiologique humain. Et à chaque fois, il est battu.
On finit presque par se demander si les limites existent vraiment. Et si pour améliorer sa vie, la première chose à faire n’est pas de se défier de ses propres croyances. Ou mieux, de faire le pari qu’il n’y a aucune limite.
Si le pari est vrai, alors on se retire toutes les barrières mentales qu’on a et on se donne accès à de nouvelles opportunités. Si le pari est faux, l’expérience vécue à tenter de repousser ses limites sera d’une valeur inestimable.
La méditation, est-ce que ça marche?
Parmi les habitudes que Guillaume Néry a mis en place, il fait de la méditation et du yoga tous les matins. Ma femme fait la même chose, mais je ne suis jamais arrivé à m’y tenir.
Pourtant, la respiration ça marche au top chez moi.
Un jour que les problèmes s’accumulaient au boulot, j’ai commencé à avoir le souffle court. Si ça t’est déjà arrivé, tu sais que c’est souvent le début de la perte de contrôle. Je décide de me mettre à l’écart et je commence des exercices de respiration. Le rythme cardiaque diminue, les pensées se focalisent sur la respiration, je retombe en excitation. Incroyable.
Pour un tuto donné par Guillaume lui-même, c’est par ici.
Pour poursuivre l’exploration
L’histoire de Guillaume est une histoire d’exploration, de défiance face aux limites décrétées, et de volonté de performance. Alors je t’ai préparé un petit mélange de tout ça.
Le compte Instagram de Guillaume, et celui de Alice Modolo - une amie apnéiste. Ensemble, ils ont fait la chorégraphie du clip de Beyoncé.
Nature Aquatique, son dernier livre (disponible sur Google Book ou en librairie). Navigation entre ses aventures et ses prises de position sociales.
The Defiant Ones (Netflix), l’histoire de Dr. Dre et de Jimmy Iovine, un duo que rien ne prédestinait au succès et qui a été à contre-courant toute leur vie.
Le Grand Bleu, le film incontournable de l’apnée et des grandes profondeurs.
Petit Bambou, parmi les meilleures applications pour méditer, avec des scans corporels, des méditations de focus, etc.
Ah, j’allais oublier (non c’est faux) : si tu as envie de soutenir cette newsletter, sache qu’il est possible de liker (via les coeurs qui traînent), commenter (juste en dessous) et même partager (le top). Tu auras ma reconnaissance éternelle (oui oui).